Sur le bout des doigts
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Et si la découverte d’un patrimoine historique et archéologique se vivait aussi au travers d’un parcours multisensoriel ? C’est l’engagement pris par une école athénienne qui forme des non et mal voyants à devenir des guides touristiques professionnels.
Le tourisme en Grèce rapporte près de 17% du PIB du pays. Les sites antiques attirent énormément le visitorat étranger venu s’approprier un peu de cette histoire. Pourquoi donc ne pas découvrir celui-ci au travers d’un parcours sensoriel ?
C’est le pari lancé par une école athénienne qui forme des non et mal voyants à devenir des guides touristiques professionnels. Ouvert au printemps 2014, l’objectif de ce parcours de formation unique n’est nullement de se contenter de former en deux ans des professionnels à accueillir et guider des personnes ayant des troubles de la vision mais bien de permettre à tout féru d’histoire de découvrir le patrimoine millénaire autrement.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, une personne non voyante est tout fait à même de guider tout individu au travers d’un site muséal ou archéologique.
Le théâtre Badmington (Athènes) a ainsi initié depuis 2013 un concept de parcours dans le noir mené par des guides non voyants ; intitulé Dialogue in the Dark, ce projet de parcours multisensoriel d’origine allemande - repris dans de nombreux pays depuis 25 ans - a pour ambition de sensibiliser les publics aux problématiques de la non voyance. De même, le musée d’Aquitaine collabore depuis une dizaine d’année avec Nicolas Caraty, le seul médiateur culturel aveugle en France à réaliser des visites guidées pour tous les publics. En février 2014, c’est le Musée Juif de Berlin qui proposait un parcours de visite architectural mené par Jonas Haur, un guide non voyant. Au musée Ianchelevici (Belgique), Kimberly Parée, non voyante, assure les visites auprès du public déficient visuel ; les visiteurs voyants, qu’ils soient accompagnateurs ou non, sont mis en situation de malvoyance ou de cécité afin de mieux appréhender l’approche multisensorielle.
Nous avons pu suivre un cours donné sur le site archéologique de la Bibliothèque d’Hadrien, en plein cœur du vieux quartier de Monastiraki sur l’agora romaine d’Athènes. Force est de constater que les sites archéologiques sont peu adaptés à recevoir des personnes en situation de handicap, moteur ou sensoriel. Mais cela ne détruit en rien l’optimiste des quelques élèves suivant cette formation particulière. Pour permettre cette approche, somme toute peu courante, encore faut-il que les sites culturels puissent proposer des outils d’aide pour faciliter l’orientation des guides non voyants, comme un plan tactile et un cheminement podotactile.
Et c’est bien pour cela, qu’au-delà de sa passion pour l’Histoire, Théodori – qui a perdu la vue il y a une dizaine d’années – s’engage dans cette voie, ne serait ce que pour sensibiliser les sites culturels à prendre les mesures nécessaires pour l’accueil de tous les visiteurs : « Notre école est avant-gardiste…nous (étudiants) sommes comme des pionniers. C’est difficile mais je suis persuadé que les choses changeront avec un peu de volonté. Je considère que ce qu’il y a de plus important est la culture. Les sites archéologiques, les musées sont destinés à tous. Faire des adaptations rendra les choses plus simples, plus agréables, plus accessibles pour tout le monde. Ce que je souhaite pour mon futur métier, c’est que les visiteurs découvrent avec leurs autres sens et avec leur imagination ».
La Grèce est encore aux prémices de cette démarche en faveur de l’accessibilité universelle…Elle vacille entre espoirs et désillusions selon les troubles de la politique économique que subit actuellement le pays. Mais lorsque des projets innovants et ambitieux sont mis en place, il convient de mettre cela en lumière.
Dialogue in the Dark : http://www.dialogue-in-the-dark.com/
Nicolas Caraty, Guide non voyant de France : https://youtu.be/swea65NfMEA
Musée Ianchelevi : http://www.ianchelevici.be/musee_accessible.html